Quel bilan pour Luca de Meo à la tête de Renault ?

La présence de Luca de Meo lors des 24H du Mans 2025 lors desquels l’équipe Alpine a dû se contenter d’une double arrivée, ne pouvait pas laisser penser qu’une telle annonce allait avoir lieu quelques heures plus tard…
Alors que le conseil d’administration de Renault doit désormais chercher un remplaçant, il est l’heure de dresser le bilan de ses cinq années à la tête de Renault. Si ce dernier peut être jugé plutôt très positif, quelques échecs viennent fort logiquement cependant ternir un peu le tableau.
Un retour excessivement rapide aux bénéfices
Alors que l’on est en pleine pandémie de Covid-19, le secteur automobile vacille. Tout juste nommé, en juillet 2020, Renault indique une baisse de 36,6 % de son chiffre d'affaires et une perte historique de 7,4 milliards d’euros pour le compte du premier semestre de l’année.
Le nouveau directeur général annonce un plan de départ volontaire de 15 000 personnes dans le monde, dont plus de 4 500 en France. En février 2021, le groupe confirme une perte record de 8 milliards d’euros sur l’exercice 2020, tandis que le nouvel homme fort lance son plan Renaulution.
La reprise du marché automobile va bien l’aider puisque pour l'exercice 2022, Renault annonce un retour aux bénéfices avec une marge opérationnelle de 1,66 milliard d’euros, malgré un chiffre d’affaires stable. Pour 2022, le résultat d’exploitation grimpe à 2,191 milliards d’euros, puis 2,485 en 2023 avec une marge opérationnelle record de 7,9 %. Enfin, pour 2024, Renault annonce une hausse de 7,4 % de son chiffre d’affaires, et une marge opérationnelle de 7,6 %. Une situation économique assez incroyable après la perte record de 2020, même s’il est vrai que celle-ci était surtout la résultante de la crise du Covid et non d’un problème de stratégie de l’ancienne direction.
L’échec de la nouvelle Alliance avec Nissan
Dès son arrivée, Luca de Meo a subi la situation avec Nissan dont il n’était nullement responsable. Mais l’histoire retiendra que c’est sous sa présidence que Nissan s’est éloigné de Renault. Pourtant, alors qu’un nouvel accord promettait une nouvelle alliance sur des bases plus saines et plus équilibrées, c’est en réalité la fin de l’Alliance que nous avons vécue au fil des mois. À tel point que désormais plus aucune information n’est partagée entre les deux marques qui sont de simples concurrents, si ce n’est sur quelques rares projets communs comme la future Micra dont les tarifs seront annoncés début juillet ou la future Nissan basée sur la Twingo.
Démantèlement de Renault avec la création d’Ampère et de Horse Powertrain
L’une des grosses mesures prises par le nouvel homme fort a été ce que certains présentent comme le démantèlement de Renault. Ne pouvant plus compter sur Nissan, le groupe Renault a séparé ses activités. D’un côté, la partie hybride et thermique, que Renault a cédée à Geely à hauteur de 50 % (puis encore 5% à Aramco), et d’un autre, Ampère, pour les véhicules électriques. Cette dernière entité devait faire entrer des partenaires comme Nissan et Mitsubishi, puis faire son introduction en bourse pour lever des fonds. Échec total : les partenaires se sont débinés tandis que l’introduction en bourse a été annulée. Ampère est ainsi actuellement une coquille vide ou presque.
D’autres entités ont été créées, comme Mobilize pour la mobilité, qui peine clairement à se développer (la Limo destinée aux taxis a été annulée, tandis que le Duo peine encore à se faire connaître). Enfin, une entité pour l’économie circulaire, « The Future Is NEUTRAL », a aussi été créée, tandis que l’usine de Flins a été transformée pour l’occasion. Mais là aussi, l’affaire semble compliquée.
L’Alliance avec Geely
Le Grand Koleos coréen est en réalité un modèle Geely rebadgé
Désormais esseulé avec le départ programmé de Nissan, Luca de Meo décide de revendre 30 % de Renault Korea au chinois Geely. Le même Geely prend 50 % de Horse Powertrain, les activités de motoristes de Renault, et prend aussi une participation dans la filiale Renault au Brésil. La marque chinoise est désormais le principal partenaire de Renault.
Le développement rapide d’Alpine et la fin de Renault Sport
À son arrivée, Alpine ne comptait qu’un seul modèle, l’A110. Véritable succès, ce modèle restait un véhicule de niche, et le plan produit restait vide.
Très rapidement, Luca de Meo a voulu développer la marque Alpine, pour la mettre sur le devant de la scène. Alpine a ainsi pris la place de Renault en Formule 1, tandis qu’elle a annoncé faire son retour dans la catégorie reine des 24 Heures du Mans dès 2023, puis en Hypercar dès la saison 2024.
Le plan produit a également été grandement élargi, avec dans un premier temps 3 nouveaux modèles, puis 7 modèles prévus jusqu’en 2030 dont la citadine A290 l’année dernière, et le SUV A390 cette année.
En voulant replacer Alpine comme la seule marque sportive du groupe, Luca de Meo a entériné la fin de Renault Sport. Pour autant, la commercialisation improbable, mais pourtant bien réelle de la R5 Turbo 3E prouve que cela ne signifie pas pour autant la fin des modèles sportifs chez Renault.
La fin des activités de motoriste F1 de Renault
Jugée comme une activité trop chère, Luca de Meo a décidé de retirer Renault de la Formule 1, après une présence quasi ininterrompue de plus de 40 ans. Ainsi, alors qu’Alpine avait pris la place de Renault sur la partie châssis dès son arrivée à la tête du constructeur, Renault restait son motoriste. Dès 2026, Alpine roulera avec un moteur Mercedes. Une décision qui a eu beaucoup de mal à passer chez les fans de la marque au losange mais qui, économiquement, est une décision pragmatique.
Le retour de modèles emblématiques, et une production électrique localisée en France
Fort de son expérience lors de son passage chez Fiat, celui qui a relancé avec succès la 500, a rapidement voulu faire la même chose chez Renault. C’est ainsi que le retour de la R5 (commercialisée en 2024), puis de la R4 (commercialisée cette année) est annoncé dès 2021, puis plus tard, le retour de la Twingo (2026). Des modèles plébiscités qui semblent rencontrer leur public et sont probablement la marque du passage de Luca de Meo pour le grand public.
La montée en gamme de Dacia
Alors que Dacia a toujours été la poule aux œufs d’or de Renault, la marque a pris de l’ampleur ces dernières années. Outre une forte hausse des prix et une montée en gamme de ses modèles, Dacia s’engage dans le Dakar, et surtout, décide de compléter sa gamme. C’est ainsi que le Bigster a été commercialisé cette année, en attendant d’autres modèles comme une berline compacte.
Le départ forcé de Russie
Renault a beaucoup investi pour moderniser Lada
Outre la fin de l’Alliance, s’il y a bien un point sur lequel Luca de Meo a subi la situation, c’est le retrait de Renault de la Russie. Après l’envahissement de l’Ukraine par son voisin russe, les entreprises françaises sont sommées de se retirer de Russie. Contrairement à d’autres sociétés, Renault s'exécute, et abandonne ses usines et ses investissements, alors que le marché russe était le second plus important derrière la France. Un vrai coup dur pour le constructeur.